L'anniversaire

Publié le par Planchon

Il était temps de penser à le fêter.

Même en essayant de tout faire pour l'éviter, on ne pouvait faire autrement : dans 3 jours la date arrivait.

 

Quelques jours auparavant, en y mettant la manière, son grand fils et l'autre s'étaient attachés à organiser le sien, ses soixante ans et son départ à la retraite. Sans être ostentatoire, ça avait eu du style, malgré quelques dérapages de la Douce pendant la soirée : il en conservait un souvenir agréable, et savait qu'il ne serait pas possible d'obtenir le même résultat cette fois-ci.

 

Le Grand Nunuche serait alors rentré d'un voyage d'affaires ; Grenouillon, lui, s'était fâché suite à une visite intrusive de sa mère dans son appartement, et avait dit qu'il ne viendrait pas ; la Petite Aeuh, elle, en train de prendre son indépendance et de devenir artiste, arriverait sans doute en retard.

 

Un vrai casse-tête à organiser, il était clair que l'envie n'y était pas : il s'agissait d'une obligation à remplir, voire d'un mauvais moment à passer. C'est pourquoi il choisit un restaurant hors de sa ville, simple mais convenable, à la cuisine efficace et de tendance algérienne. En principe pas trop fréquenté le soir en semaine...

 

Puis vint le jour J. Il avait dit 19h00, et à 19h00, seul lui et la Douce étaient présents dans le restaurant. Elle appelait les uns et les autres, passant plusieurs longues minutes avec sa fille, la relation semblait tendue. Arriva alors le Grand Nunuche, avec sa compagne et leur petit bout de chou. H.S. la compagne, manifestement grippée... Mais ils étaient là, et finalement pratiquement à l'heure.

 

Pour ne pas trop faire attendre le petit, ils passèrent commande. Début de soirée tranquille, étonnament. Peut-être du nouveau ? Premier plat partagé entre le jeune enfant et son père, premières tensions, mais rien d'anormal. Un brick au thon peut-être un peu gras ? Peu importe. Sur ce, arrivée de l'artiste, un casque audio vissé sur le oreille.

 

Son frère l'encouragea à retarder ses salutations pour aller rapidement passer commande, et recoller ainsi au groupe, ce qu'elle fit. Puis à table, premiers débats. Un peu houleux, lorsqu'il fut question de l'organisation de la suite de la soirée, puisque la Douce espérait avoir sa fille sous son toit, alors même qu'elle dormait chez le jeune frère le soir même, dernière nuit d'une période de quelques semaines... Ensuite, il était prévu qu'elle rejoigne l'appartement familiale, en l'absence des parents qui prendraient des vacances dans le Sud.

 

Bien qu'il essayait de suivre la discussion, il n'en comprenait pas le sens. De débat, ça devint rapidement une dispute, le ton monta rapidement, toujours la même rengaine. La plus jeune défendait son droit à l'indépendance et l'autonomie, la mère réclamant respect, obéissance, soumission... Conflit mère-fille, complexe mais - pensait-il - classique. A quoi bon intervenir. D'ailleurs, personne ne s'interposa, à l'exception du Grand Nunuche, toujours aussi combatif, qui s'improvisa "médiateur", pour essayer de calmer le jeu. Puis de sa compagne, qui, bien plus habilement, essaya de détourner l'attention de la Douce en lui parlant des fleurs sur la table, puis de son cadeau, puis du petit bout de chou...

 

Mais la guerre avait commencé, et tout cela ne faisait que retarder l'échéance. Planchon s'en doutait un peu, mais espérait au moins réussir à faire bonne figure, dans ce lieu public, jusque la fin du repas.

 

"Champagne !"

 

Ouvrir puis servir le Champagne, couper le gâteau dont les bougies venaient d'être soufflées : une anecdote. Bien vite un nouvel événement fit oublier le chant entonné précédemment ("Joyeux" anniversaire...). Elle enfilait amplement son manteau, mimant un départ spectaculaire. Sa fille observait la scène, amusée, le Grand qui bloquait un peu la sortie profita de sa position pour géner et ajouta quelques mots d'apaisement, tout comme sa compagne. Lui, Planchon, amorça un geste, sans grande conviction.

 

Le champagne et le dessert furent consommés sans réelle convivialité, la table perdait puis retrouvait ses convives, qui utilisaient tout prétexte pour échapper au supplice : besoin d'aller aux toilettes, de prendre un peu l'air, de montrer les poissons au bambin... Il semblait que le but était de couper la conversation et la tournure qu'elle prenait, et le résultat était bien là. Un apaisement sensible colorait cette fin de repas.

 

Au moment du départ, la Petite Aeuh était encore aux toilettes et, bien que la compagne du Grand Nunuche avait évoqué la possibilité de l'emmener en voiture, la Douce invoqua le besoin d'une discussion en tête à tête.

 

Quelques embrassades, alors, furent échangées : à ce stade, Planchon se félicitait d'une soirée qu'il estimait réussie, et se voyait déjà au lendemain...

Publié dans Planchon triste

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