La prise de haschich
Le cellulaire de Grenouillon vibra dans la poche de son jean. Il décrocha:
- Allô?
- Allô, Grenouillon? Oui, bonjour, c'est papa à l'appareil. J'ai été un peu atterré parce que la douce m'a dit comme quoi tu as fumé du haschich, alors...
Les mots de Planchon se perdirent dans sa gorge. Grenouillon sentit la gêne de son interlocuteur. Par délicatesse, il se mordit la langue pour ne pas rire, sentant confusèment que ce coup de fil avait été ordonné par la Voix et que les mots étaient choisis avec une forme de préciosité peu idoine en la circonstance.
"... J'espère quand même que tu as arrêté et que tu vas couper les contacts avec les personnes qui sont en rapport avec la drogue!"
Planchon insista sur le mot "drogue" à dessein. Ces paradis artificiels!... Il se souvint de l'odeur de la colle à bois, quand il bricolait dans le garage de son père. Il aimait la respirer, s'en imprégner, car il avait alors l'impression de quitter son corps, d'être un autre... La Voix le ramena à la conversation:
- Tu te rends compte! Ton fils se drogue! Qui lui a mis ces idées-là en tête? Qui fréquente-t-il? Tu rêves et tu ne vois rien! Tu dois régler le problème, et vite! Il s'imagine qu'il vit seul et qu'il ne doit rendre des comptes à personne? Jusqu'à cinquante ans, ta mère était derrière toi, à appeler, à écrire des lettres!...
- Parce qu'il ne s'agit quand même pas de s'esquinter la santé avec ces trucs-là..."
Grenouillon tilta sur les silences de Planchon. Un père rêveur... Qu'avait-il pris, lui, plus jeune?
"...Alors j'espère que tu vas te ressaisir et je te souhaite une bonne journée."
Il raccrocha sans laisser la parole à son fils. Grenouillon en resta coi.
Cet appel avait coûté un effort considérable à Planchon.